De nos jours, les informations sur les risques et les bienfaits des aliments sur la santé sont diffusées par de nombreux communicateurs sur les canaux les plus divers. Le consommateur peut avoir du mal à y voir clair, surtout si les messages sont contradictoires. D’une durée de trois ans et demi et financé par la Commission européenne, le projet FoodRisC, a pour objectif de comprendre les obstacles actuels à la communication des risques et bienfaits alimentaires, et à identifier les solutions pour y remédier.
Les chercheurs participant au projet FoodRisC ont comparé l’utilisation des médias classiques et des réseaux sociaux dans l’Union européenne, et évalué le comportement de recherche d’information des consommateurs ainsi que leur perception des risques et des bienfaits des aliments. Ces travaux ont abouti au développement d’un centre de ressources en ligne innovant, destiné à aider les principaux communicateurs à diffuser efficacement des informations sur les risques et les bienfaits des aliments.
Comprendre les perceptions des risques et des bienfaits des aliments sur la santé
La première étape du projet FoodRisC a consisté à réaliser des études qualitatives pour analyser la compréhension des risques et des bienfaits des aliments. Les chercheurs du projet FoodRisC ont réalisé des enquêtes approfondies auprès de 99 consommateurs européens, de 33 experts et de 38 parties prenantes de la filière alimentaire (parmi lesquelles des entreprises du secteur agroalimentaire, des organisations de consommateurs, des chaînes de magasins de distribution et des organisations non gouvernementales). Pour donner une dimension européenne à ces travaux, les chercheurs ont interrogé des personnes originaires de Belgique, d’Irlande, d’Italie, de Lettonie, des Pays-Bas et d’Espagne.
Les avis des parties prenantes et des experts sur l’utilisation des réseaux sociaux pour la diffusion d’informations sur les risques et les bienfaits des aliments ont été analysés selon la méthode AFOM (Atouts – Faiblesses – Opportunités – Menaces ; SWOT en anglais). Les participants ont établi que les principaux atouts des réseaux sociaux étaient la rapidité, l’interaction avec le public et l’accessibilité. Le fait que les informations sur les réseaux sociaux puissent être anonymes et non identifiables est considéré comme une faiblesse. Toutefois, les intervenants et les experts trouvent que les réseaux sociaux sont utiles pour créer des communautés et impliquer les consommateurs. Néanmoins, ils comportent aussi des menaces, comme le risque de diffuser des informations erronées et le fait que pour devenir un spécialiste des réseaux sociaux, il s’avère nécessaire d’y consacrer beaucoup de temps. Globalement, les parties prenantes et les experts souhaiteraient obtenir plus d’informations sur l’utilisation des réseaux sociaux pour diffuser des informations sur les risques et les bienfaits des aliments sur la santé. Ils font toutefois preuve de prudence et préfèrent recourir aux canaux médiatiques classiques (médias en ligne, presse, télévision et radio)1.
Les réseaux sociaux sont un nouveau moyen de recevoir et de diffuser des informations
Avec plus de 2,5 milliards d’utilisateurs en 2013, le Web est rapidement passé du stade d’outil de consultation d’informations (Web 1.0) à celui de plateforme de production et de partage d’informations ( Web 2.0) par example Facebook, Twitter, Wikipedia et YouTube2. Ainsi, la communication ou le commentaire d’informations n’est plus l’apanage des journalistes professionnels travaillant pour des médias traditionnels. S’ils le souhaitent, les utilisateurs peuvent rédiger et diffuser des informations, en tant que « journalistes citoyens »3.
Les chercheurs du projet FoodRisC ont réalisé des enquêtes dans quatre pays européens pour déterminer le profil des journalistes professionnels et citoyens à l’origine d’informations sur les risques et les bienfaits des aliments, et quelles étaient leurs pratiques. À de nombreux égards, des similarités ont été observées entre les journalistes professionnels et les journalistes citoyens spécialisés dans leur domaine (des blogueurs experts), par rapport à des journalistes citoyens non spécialisés (des blogueurs amateurs). L’un des principaux défis des communicateurs est de diffuser des messages qui répondent aux besoins de leur public. Les journalistes en particulier forment un groupe qu’il est important de prendre en considération, car ils participent non seulement à la diffusion de messages auprès d’un public plus large, mais aussi à l’interprétation et au cadrage de l’information. Les journalistes peuvent jouer le rôle de « créateurs d’agenda » et exercer une influence sur leur public.
Les chercheurs du projet FoodRisC ont étudié la couverture médiatique de la crise de la viande de porc contaminée par des dioxines en Irlande en 2008, de la crise des viandes de porc et de poulet, et des œufs contaminés par des dioxines en Allemagne en 2010, et de la crise des graines germées (des graines de fenugrec notamment) contaminées par l’EHEC (Escherichia coli entérohémorragique) en Allemagne en 2011. Leurs résultats soulignent l’importance de l’actualité en ligne, des blogs et des microblogs (tels que Twitter) comme canaux de communication. Twitter a principalement servi à informer les lecteurs des nouvelles de dernière minute et à les rediriger vers des informations plus détaillées (en général des sites d’actualités en ligne) à l’aide de liens insérés dans les tweets. Les résultats de l’analyse de la crise de la dioxine en Irlande en 2008 et de celle qui s’est produite en Allemagne en 2010 montrent également que les utilisateurs des réseaux sociaux réagissent très rapidement à une crise alimentaire. Par contre, ils s’en désintéressent plus rapidement que les utilisateurs des médias classiques. Il est cependant indispensable de rectifier rapidement toute information trompeuse ou erronée, étant donné la rapidité avec laquelle elle est communiquée et retransmise (par des re-tweets, par exemple). Cela est particulièrement important dans la mesure où, de par l’effet « chambre d’écho », une requête effectuée à l’aide d’un moteur de recherche permettra de la retrouver pendant longtemps sur Internet.
Les chercheurs du projet FoodRisC suggèrent que toute organisation doit intégrer la surveillance de ces informations conservées en ligne à sa stratégie de communication. Elle aura ainsi non seulement une idée de « ce qui se discute », mais aussi de « ceux qui en discutent ». Ce dernier point est particulièrement important car il permet de mieux comprendre le flux d’informations entre les internautes4.
Les médias classiques et en ligne ont encore un rôle à jouer
Il est primordial de comprendre le comportement du consommateur en quête d’informations, pour mieux communiquer des renseignements sur les risques et les bienfaits des aliments. Une enquête en ligne a été menée à de tels effets dans neuf pays européens (Belgique, Allemagne, Irlande, Italie, Lettonie, Pays-Bas, Portugal, Espagne et Royaume-Uni).
Elle a établi que les consommateurs s’informent principalement de deux façons. Lorsqu’une crise alimentaire se produit, certains recherchent un complément d’information dans les médias classiques. Les actualités télévisées restent le canal privilégié par les consommateurs européens comme source d’information sur les crises alimentaires. D’autres adopteront une démarche plus active et se tourneront vers le Web. Les moteurs de recherche, comme Google, sont les canaux que les consommateurs européens sont le plus susceptibles d’utiliser. Il est moins probable qu’ils se rendent sur des réseaux sociaux pour en savoir davantage sur une crise alimentaire, et ils jugent les informations qu’ils y trouvent moins utiles que celles d’autres canaux.
Cette enquête a par ailleurs mis en évidence trois motifs principaux qui incitent les consommateurs à rechercher des informations sur une crise alimentaire. Ils s’y intéressent d’abord lorsque l’incident les concerne, en fonction de leur situation personnelle. Ils veulent ensuite être correctement informés et réfléchir au sens de l’information pour leurs propres vies. Enfin, ils sont encouragés à rester informés sur les questions alimentaires par leurs relations sociales.
Comment les consommateurs réagissent-ils en cas d’informations contradictoires sur les aliments ?
Les réactions des consommateurs face à des informations nouvelles, contradictoires et incertaines ont également été étudiées à l’aide de VIZZATA, un outil en ligne innovant. Cet outil a permis aux personnes interrogées d’interagir avec les chercheurs en leur posant des questions et en formulant des commentaires.
Dans cette étude, les chercheurs du projet FoodRisC ont utilisé VIZZATA pour comprendre les questions et les préoccupations des consommateurs après l’annonce par la Food Safety Authority of Ireland (FSAI – Autorité de sécurité des aliments en Irlande) le 15 janvier 2013 de la découverte d’ADN de cheval et de porc dans des steaks hachés de viande de bœuf. Quarante-deux Britanniques et Irlandais, tous des consommateurs de viandes ayant effectué leurs achats dans au moins l’une des enseignes de magasins affectées, ont soumis un total de 292 questions et commentaires dans le cadre d’une étude qui a duré quatre jours, après que l’affaire ait éclaté le 19 janvier.
Les résultats ont montré que les consommateurs étaient principalement inquiets du fait que les ingrédients mentionnés par les étiquettes ne correspondaient pas au contenu des produits. Peu de données probantes ont été recueillies sur leurs préoccupations concernant les risques pour la santé liées à la découverte d’ADN d’un animal étranger, après l’annonce par la FSAI. De nombreux consommateurs étaient intéressés de savoir quelle était la cause de la contamination et pourquoi ils n’avaient pas été informés plus tôt des résultats des analyses de steaks5.
Les risques et les bienfaits des aliments semblent être pour les consommateurs des sujets qui se prêtent aux discussions en ligne. Les résultats des études VIZZATA peuvent être utiles pour adapter des stratégies de communication à venir. Cet outil permet aux chercheurs de répondre aux participants, de partager des informations et de les inviter à réagir.
« Le caractère international des filières alimentaires actuelles appelle une approche à l’échelon mondial de la communication des questions liées aux risques et aux bienfaits des aliments », ont indiqué les chercheurs du projet FoodRisC dans un article revu par un comité de lecture et publié dans Trends in Food Science &Technology.
Un centre de ressources en ligne unique qui réunit les meilleures pratiques
Les travaux de recherche et les échanges avec les intervenants ont permis aux chercheurs du projet FoodRisC de développer un centre de ressources en ligne innovant destiné à aider les communicateurs à produire des documents réactifs, faisant autorité et utiles sur les risques et les bienfaits des aliments.
Ce centre de ressources en ligne comporte six sections spécifiques :
- “Evaluate your situation” (Évaluer sa situation) : résume les facteurs identifiés, par des universitaires et des praticiens, comme indispensables à la prise de décision sur la communication des risques. Il convient de garder à l’esprit que les décisions qui devront être prises sur des activités futures dépendent essentiellement de la réflexion qui aura été menée sur la stratégie de communication.
- “Understand your audience” (Comprendre son public) : propose des orientations et des conseils pour adapter une communication aux besoins du public cible. En plus de savoir qui est le public visé, il est important d’identifier ceux qui exercent une influence majeure et d’orienter la communication vers eux pour qu’elle soit plus efficace. Cette section comporte un outil en ligne interactif permettant de sélectionner la meilleure méthode de recherche, de collecter des connaissances sur le public et de réagir à d’éventuelles questions liées aux travaux de recherche.
- “Create your message” (Créer son message) : fournit des conseils pour traduire des faits scientifiques avec précision et dans un langage relativement simple, que les responsables de la gestion des risques, les parties prenantes et les publics plus larges peuvent comprendre, pour éviter des mauvaises interprétations.
- “Media channels” (Canaux médiatiques) : identifie les atouts et les faiblesses de différents canaux de communication (des médias classiques et des réseaux sociaux) et propose des orientations pratiques (« par où commencer », par exemple) et des conseils pour compléter les meilleures pratiques.
- “Monitor communications” (Surveiller les communications) : propose des conseils et des orientations sur la surveillance des conversations en ligne, afin d’anticiper de nouvelles questions et mieux comprendre les réseaux où l’on tient des discussions et où l’on crée du contenu.
- “Public involvement” (Participation du public) : permet de comprendre ce que pensent les consommateurs et les parties prenantes, et ce dont ils ont besoin avec l’outil VIZZATA, ce qui est primordial pour optimiser l’efficacité d’une communication sur les risques et les bienfaits des aliments.
Le centre de ressources en ligne interactif FoodRisC fournit des informations et des orientations pertinentes à de nombreuses communautés professionnelles et parties prenantes, dans différents scénarios de communication sur les risques liés aux aliments, et suggère des stratégies d’action concrètes. C’est là l’objectif ultime du projet FoodRisC.
Pour plus d’informations
www.foodrisc.org
http://resourcecentre.foodrisc.org
Le projet FoodRisc est coordonné par l’University College Dublin et financé au titre du Septième programme-cadre de la Commission européenne (contrat de subvention n° 245124). Le consortium FoodRisC réunit des experts dans des domaines liés à la communication sur les risques et les bienfaits des aliments, des instituts de recherche, des organisations de consommateurs, ainsi que des PME de neuf États membres de l’UE (Irlande, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Lettonie, Portugal, Allemagne, Italie et Espagne).
Références
- Site Web FoodRisC, section News (Actualités). Podcast : Pr. Wim Verbeke – Université de Gand, Belgique.
- International Telecommunication Union (2013). The world in 2013, ICT Facts and Figures: Internet Users in 2013. Genève, Suisse.
- Shan L, Regan Á, De Brún A, et al. (2013). Food crisis coverage by social and traditional media: A case study of the 2008 Irish dioxin crisis. Public Understanding of Science. Publié en ligne le 1er février 2013. DOI: 10.1177/0963662512472315.
- Rutsaert P, Regan Á, Pieniak, et al. (2013). The use of social media in food risk and benefit communication. Trends in Food Science & Technology 30(1):84–91.
- Communiqué de presse FoodRisC « Health risks were not consumers’ first concern over horse meat contamination », publiéle 20 février 2013.