Mars 2015
Contexte
En décembre 2011, la Direction des aliments de Santé Canada a reçu une demande visant l’utilisation d’une allégation thérapeutique au sujet des produits de soya riches en protéines et de la diminution du cholestérol. Les renseignements ci-dessous résument l’examen réalisé par Santé Canada conformément aux Lignes directrices pour la préparation d’une demande d’approbation d’allégations santé relatives aux aliments.
En 2010, Santé Canada a réexaminé la classification des produits alimentaires qui font l’objet d’allégations de réduction du risque de maladies ou d’allégations thérapeutiques à la lumière d’une clarification des principes de la classification des aliments situés à la frontière entre les aliments et les produits de santé naturels. Santé Canada est d’avis que lorsque des produits alimentaires sont commercialisés pour leur effet de réduction du risque de maladies ou pour leur bienfait thérapeutique et que ceux-ci découlent d’une consommation normale de l’aliment dans le cadre du régime alimentaire, ces produits doivent être classifiés et régis à titre d’aliments. Autrement dit, l’utilisation d’une allégation de réduction du risque de maladies ou d’une allégation thérapeutique ne suffit pas à classifier le produit en tant que produit de santé naturel.
Preuves scientifiques à l’appui de l’allégation
Les aliments faisant l’objet de l’allégation santé proposée sont les aliments ou ingrédients alimentaires qui contiennent des protéines issues du soya (Glycine max [L.] Merr., Fabaceae). Les aliments et ingrédients admissibles à l’allégation comprennent les boissons de soya, le tofu, le miso, le tempeh, le natto, le fromage de soya et les noix de soya, les protéines de soya isolées (PSI), le concentré de protéines de soya (CPS), les protéines de soya texturées (PST) et la farine de soya (FS). La sauce soya et l’huile de soya sont exclues de l’allégation puisqu’elles ne contiennent pas suffisamment de protéines de soya.
Le demandeur a fourni une recherche de la littérature qui couvre la période de 1980 à mars 2010 dans le but d’appuyer l’allégation santé proposée. La recherche de la littérature a été mise à jour par la Direction des aliments de Santé Canada pour englober les études publiées jusqu’en mars 2013. En tout, 49 références pertinentes ont été identifiées [1-49] pour un total de 79 études, puisque plusieurs références comprenaient plus d’une comparaison entre un produit de soya et un produit de référence.
Toutes les études pertinentes correspondaient à des essais cliniques réalisés chez des hommes et des femmes de 18 à 80 ans présentant une cholestérolémie normale ou élevée. Les études ont été menées en Amérique, en Europe, en Asie et en Océanie, avec la vaste majorité menées aux États-Unis. Vingt études ont été réalisées avec des hommes, dont 8 avec de jeunes hommes; 28 études ont été réalisées avec des femmes, dont 24 avec des femmes post ménopausées; et 31 études ont été réalisées avec à la fois des hommes et des femmes. La durée du traitement variait de 1 à 12 mois, et l’apport quotidien en protéines de soya variait de 11,3 à 154 g. La majorité des études utilisait des doses entre 25 et 50 g/jour. La plus petite étude comprenait 9 sujets et l’étude la plus importante comprenait 352 sujets. Des 79 études sélectionnées, 41 étaient suivies en chassé-croisé et 38 en parallèle. La répartition aléatoire a été utilisée dans 69 des 79 études, 40 études se sont déroulées à double insu, 4 à simple insu et dans 35 de celles-ci, ce renseignement a été omis.
La principale source de protéines de soya administrées au cours des études était des produits de soya très raffinés : les PSI ont été utilisés dans 65 études dont 3 études ont été réalisées avec les boissons de soya faites à partir de PSI, et le CPS a été utilisé dans 2 études. Les autres produits de soya ont été administrés dans une moindre mesure : des boissons de soya faites à partir de fèves soya entières ont été utilisées dans 2 études, des PST dans 1 étude, de la FS dans 2 études, du tofu seulement dans 1 étude et jumelé à d’autres produits de soya dans une autre étude et des noix de soya dans 6 études. Cinquante-trois études ont indiqué les quantités d’isoflavones des traitements de soya, et 8 études ont indiqué utiliser des protéines de soya appauvries en isoflavones (protéines de soya lavées à l’éthanol). Les aliments témoins se composaient de caséine, de protéines laitières, d’un régime témoin sans produit de soya ou de protéines animales (viande).
Dans 60 études, des produits de soya ont été utilisés pour remplacer totalement ou en partie les protéines animales dans le régime alimentaire habituel ou dans le contexte de régimes visant à abaisser le cholestérol (par exemple, le programme national de sensibilisation au cholestérol des National Institutes of Health – National Heart, Lung, and Blood Institute [NIH-NHLBI] des États-Unis [50] et le guide des changements des habitudes de vie thérapeutiques de NIH-NHLBI [51). Dans 19 études, les produits de soya étaient consommés en tant que suppléments au régime alimentaire habituel. Sur les 79 études, 44 indiquaient des profils caloriques et de macronutriments équilibrés entre le groupe de référence et le groupe expérimental.
Les résultats considérés étaient des changements sur le plan du cholestérol total, du cholestérol LDL (lipoprotéine de basse densité), du cholestérol HDL (lipoprotéine de haute densité) et des triglycérides (TG).Des 79 études, 77 mentionnaient l’effet de la consommation de protéines de soya sur le cholestérol total, 67 sur le cholestérol LDL, 78 sur le cholestérol HDL et 72 sur les triglycérides. Le cholestérol LDL demeure la principale cible pour le risque de maladie cardiovasculaire selon le document de 2012 intitulé Update of the Canadian Cardiovascular Society Guidelines for the Diagnosis and Treatment of Dyslipidemia for the Prevention of Cardiovascular Disease in the Adult [52].
La qualité des études a été évaluée à l’aide de 4 des critères du réseau SIGN [53] de façon à déceler les sources de partialité potentielle en ce qui concerne la répartition aléatoire, la dissimulation de l’affectation des sujets aux groupes d’étude, l’insu et l’attrition. De plus, les études ont été classées comme étant de qualité moindre lorsque les profils caloriques et de macronutriments n’étaient pas équilibrés entre le groupe de référence et le groupe expérimental. Une estimation de la qualité globale a été établie en se basant sur le nombre de critères de qualité satisfaits. Vingt-quatre des 79 études (30 %) ont été classées comme étant de qualité supérieure.
La direction de l’effet pointait fortement vers une diminution des taux de cholestérol total (75 % des études) et de cholestérol LDL (81 % des études) lorsque des protéines de soya étaient consommées. Une faible proportion des études indiquaient une diminution statistiquement significative des taux de cholestérol total (26 % des études) et de cholestérol LDL (33 % des études). Ces conclusions étaient semblables lorsque seules les études de qualité supérieure étaient prises en considération.
La direction de l’effet pointait modérément vers une hausse des taux de cholestérol HDL, mais fortement lorsque seules les études de qualité supérieure étaient prises en considération. Quinze pour cent (15 %) des études démontraient une hausse statistiquement significative des taux de cholestérol HDL. La direction de l’effet pointait modérément vers une diminution des taux de triglycérides. Onze pour cent (11 %) des études démontraient une hausse statistiquement significative des taux de triglycérides. Ces conclusions étaient semblables lorsque seules les études de qualité supérieure étaient prises en considération.
Le demandeur a fourni une méta-analyse, que la Direction des aliments a reproduite et développée afin d’y inclure des études qui ne faisaient pas partie de la revue systématique et de la méta-analyse du demandeur. Les estimations groupées de ces deux méta-analyses se sont révélées semblables. Les estimations issues de la méta-analyse de la Direction des aliments sont présentées ci-dessous.
La méta-analyse comprenait un total de 68, de 59, de 68 et de 64 études de 42, de 38, de 43 et de 40 références pour les taux de cholestérol total, de cholestérol LDL, de cholestérol HDL et de triglycérides, respectivement. Les valeurs finales pour le groupe de référence et le groupe expérimental ont été extraites des études, puis utilisées dans la méta-analyse. En plus de l’analyse globale, une analyse par sous-groupe a été effectuée dans le but d’examiner l’influence des facteurs suivants sur l’effet de diminution du cholestérol des protéines de soya : taux de cholestérol de base moyen (taux de cholestérol total élevés > 5,2 mmol/L vs taux de cholestérol total normaux < 5,2 mmol/L); source de protéines de soya (produits de soya très raffinés [p. ex., PSI, CPS, boissons de soya faites à partir de PSI] vs autres produits de soya [p. ex., boissons de soya faites à partir de soya entier, tofu, farine de soya, PST, noix de soya]); isoflavones (présentes vs appauvries); méthodologie (étude parallèle vs en chassé-croisé); sexe (homme vs femme); type de régime alimentaire (habituel vs recommandé pour la santé cardiovasculaire); habitudes de consommation (en tant que supplément vs en tant que remplacement des protéines animales dans le régime alimentaire); qualité des études (supérieure vs inférieure) et équilibrage des profils caloriques et des macronutriments entre le groupe de référence et le groupe expérimental (équilibrés vs déséquilibrés). Seuls les résultats des analyses par sous-groupe visant le cholestérol LDL sont présentés ci-dessous.
Dans l’ensemble, la différence des moyennes pondérées était de -0,15 mmol/L (IC de 95 %, -0,21 à -0,08), p < 0,00001) pour les taux de cholestérol total et de -0,15 mmol/L (IC de 95 %, -0,19 à -0,11, p < 0,00001) pour les taux de cholestérol LDL, ce qui représente des diminutions d’environ 2,6 % et 4 %, respectivement.
Les changements aux taux de cholestérol HDL (+0,03 mmol/L [IC de 95 %, +0,01 à 0,06, p = 0,002]) et aux taux de triglycérides (-0,06 mmol/L [IC de 95 %, -0,10 à -0,02, p = 0,001]) étaient statistiquement significatifs dans l’analyse générale.
La diminution du cholestérol LDL s’est révélée très semblable et statistiquement significative chez tous les sous-groupes, sauf lorsque les études utilisant de la PSI appauvrie en isoflavones ont été analysées séparément. La différence entre les sous-groupes n’était pas statistiquement significative, sauf entre le sous-groupe des études sur les produits de soya très raffinés et le sous-groupe des autres produits de soya (p = 0,01).
Des analyses de régression ont été réalisées pour confirmer les résultats de l’analyse des sous-groupes. Selon une analyse multivariable, seul le sexe a eu une incidence sur l’effet de diminution du cholestérol LDL. C’est-à-dire que l’effet de diminution du cholestérol LDL était plus important dans le cadre des études menées chez les hommes que dans celui des études chez les femmes seulement ou chez les deux sexes. L’analyse de régression a indiqué que l’absence d’isoflavones n’a eu aucun impact sur l’effet de diminution du cholestérol LDL produit par les protéines de soya. Cependant, la portée de cette conclusion est limitée par le petit nombre d’études ayant utilisé les protéines de soya appauvries en isoflavones.
Aucune relation dose-réponse évidente n’a été observée pour les diminutions de cholestérol LDL. Par conséquent, la dose la plus souvent utilisée dans les études passées en revue (25 g de protéines de soya par jour) est considérée comme apport quotidien minimal efficace.
Conclusions de la Direction des aliments de Santé Canada
Les preuves soutiennent invariablement une direction de l’effet vers une diminution des taux de cholestérol total et LDL lorsque des protéines de soya sont consommées. Une méta-analyse a démontré une diminution statistiquement significative des taux de cholestérol total et LDL lors de la consommation d’aliments contenant des protéines de soya et aucun effet néfaste sur les taux de cholestérol HDL et de triglycérides.
La Direction des aliments de Santé Canada a conclu à l’existence de preuves scientifiques appuyant une allégation au sujet des protéines de soya et de l’abaissement du cholestérol sanguin. L’allégation est pertinente et généralement applicable à la population canadienne, puisque 39 % des Canadiennes et Canadiens de 6 à 79 ans présentaient des taux malsains de cholestérol total (> 5,2 mmol/L pour les adultes) pendant la période de 2009 à 2011.