Le point sur la guerre du sel, fin 2010.

Non il ne s’agit pas du sel de déneigement hautement utile en ce début d’hiver glacial en Europe.

Il s’agit tout simplement de notre sel de cuisine et de ses relations avec notre santé.

En parlant de guerre, c’est de la guerre pacifique que mènent plusieurs pays pour éduquer les consommateurs d’un côté, et convaincre les industries agro-alimentaires de l’autre à réduire les teneurs en sel des produits alimentaires.

Quelques chiffres :

 

  • Origines des apports en sel :

La Figure ci-contre illustre les origines du sodium alimentaire, les produits industriels et la restauration pesant 77% des apports.

(Source: Mattes RD, Donnelly D. Relative contributions of dietary sodium sources. J Am Coll Nutr. 1991 Aug;10(4):383-93.)

  • Coût sanitaire du sel :

Une étude américaine de modélisation publiée le 2 mars 2010 (1) a montré qu’une réduction de 9,5% de la consommation de sodium avec la collaboration de l’industrie agro-alimentaire générerait une économie de 32,1 Milliards de dollars en soins de santé. On éviterait ainsi 513.885 accidents vasculaires cérébraux et 480.358 attaques cardiaques.

Etat des lieux :

Un excellent article de B.Katz et L.A.Williams paru dans Food Technology en mai 2010 (2) résume bien la situation actuelle aux Etats-Unis “La réduction du sel prend de l’ampleur“.

En voici quelques extraits.

A l’heure actuelle, la réduction de la teneur en sel des aliments industriels constitue le sujet le plus brulant dans le domaine alimentaire, la pression réglementaire le poussant encore plus au devant de l’actualité.

Tout a commencé en janvier 2010 quand la ville de New York a annoncé un partenariat des villes américaines avec les organismes nationaux de santé pour promouvoir un programme volontaire de réduction du sel des aliments industriels et de la restauration.

Les réductions en sodium proposées vont de 10 à 40% au sein de 61 classes d’aliments fabriqués et de 25 classes d’aliments de la restauration.

Il semblerait que les Américains consomment en gros deux fois la limite maximale de sel recommandée par jour, avec comme conséquence un accroissement de la tension artérielle, plaçant des millions de personnes en situation de risque de crise cardiaque et d’accident vasculaire cérébral.

Les consommateurs ne sont pas en mesure de contrôler la prise de sodium de leur propre initiative. De fait, seulement 11% du sodium consommé trouve pour origine la cuisine familiale et la salière de la table, contre près de 80% provenant des aliments fabriqués et de la restauration.

L’objectif de l’initiative est de réduire le sel de ces deux derniers groupes de 25% sur 5 ans.

L’Association Américaine du Coeur (American Heart Association) rapporte que 1/3 des adultes américains ont une tension artérielle élevée et que 76% des personnes affectées en sont conscientes. Près de 44% d’entre elles ont leur tension artérielle sous contrôle, mais 56% pas du tout.

Une tendance inquiétante est que le taux de mortalité lié à une tension artérielle élevée a augmenté de 19% entre 1996 et 2006.

Réaction de l’industrie :

La plupart des compagnies ont récemment rendu public leurs initiatives volontaires pour abattre la teneur en sel de leurs produits alimentaires. L’étude passe en revue les stratégies adoptées par un certain nombre de grandes compagnies.

Côté consommateurs :

Selon une étude de Health Focus International, bien que 65% des consommateurs se sentent concernés par la prise de sel, 79% d’entre eux ne semblent cependant pas connaître la recommandation journalière de 1.500 à 2.300 mg de sodium. Toutefois, au sein des consommateurs avertis de l’importance de la réduction du sodium, pour certains les raisons de leurs choix ne seraient pas liées à la santé, mais plutôt à des problèmes cosmétiques et de raison personnelle. C’est le cas de femmes qui associeraient l’excès de sodium à la rétention d’eau, donc au gain de poids.

Cas de l’Union Européenne :

Une commission a établi en 2008 les recommandations pour la réduction du sel. Les données des Etats membres ont mis en lumière l’inadéquation des consommations de sel qui sont à la limite de la recommandation de l’OMS, limite de 5g/J établi en 2003. La consommation réelle se situerait de fait entre 8 et 12g/j.

La participation des États membres est volontaire, et le cadre est proposé pour appuyer et renforcer les plans nationaux.

Le cadre de l’Union européenne comporte des actions en cinq points :

  1. Déterminer les besoins non comblés en matière de données.
  2. Établir des points de référence pour les principales catégories d’aliments.
  3. Élaborer des interventions pour augmenter la sensibilisation du public.
  4. En collaboration avec l’industrie / le secteur de la restauration, élaborer des démarches pour la modification de la composition des aliments.
  5. Surveiller et évaluer les démarches et la modification de la composition des aliments.

Un point de référence minimal qui consiste en une réduction du sel de 16 % en quatre ans, soit au moins 4 % par an, a été établi. Douze catégories d’aliments ont été désignées comme prioritaires; chaque État membre doit en choisir au moins cinq.

Une mention particulière pour le Canada :

Les recommandations du Groupe de travail ont donné lieu à un rapport très riche publié en juillet 2010 “Stratégie de réduction du sodium pour le Canada – Recommandations du Groupe de travail sur le sodium.”

Ce rapport a également résumé la situation dans ce domaine aux USA et dans différents pays européens comme le montre le Tableau  ci-dessous avec la synthèse des données sur les consommations quotidiennes de sel.


Conclusion :

Face à ces directives des autorités de divers Etats, comment les industriels peuvent-ils s’y prendre pour reformuler les aliments sans trop affecter leurs caractéristiques organoleptiques?

Le Canada apporte des réponses pratiques avec la publication en 2009 d’un Guide pour l’Industrie Alimentaire : Reformulation des produits pour réduire le sodium. Guide de réduction du sodium pour l’industrie alimentaire.

Bibliographie :

(1) “Population Strategies to Decrease Sodium Intake and the Burden of Cardiovascular Disease. A Cost-Effectiveness Analysis” ( C.M. Smith- Spangler, J.L. Juusola, E.A. Enns, D.K. Owens, and A.M. Garber). Annals of Internal Medicine, April 2010, Volume 152, pages 481-487.

(2) Salt ReductIon Gains Momentum. Barbara KATZ and Lu Ann WILLIAMS. Food Technology Magazine, May 2010, Volume 64, No.5, pages 24-32

A lire :

Salt campaign : http://ec.europa.eu/health/nutrition_physical_activity/high_level_group/nutrition_salt_en.htm

Guide de réduction du sodium pour l’industrie alimentaire :  http://www.conseiltac.com/Sites/ctac/Multimedias/Guide%20reduction%20du%20sodium.pdf

Stratégie de réduction du sodium pour le Canada – Recommandations du Groupe de travail sur le sodium : http://www.hc-sc.gc.ca/fn-an/nutrition/sodium/strateg/index-fra.php